La philosophie des Grecs
considérée dans son développement historique Edouard Zeller (1882)
HÉRACLITE.
1. LE POINT DE VUE GÉNÉRAI, ET LES IDÉES
FONDAMENTALES DE LA DOCTRINE D'HERACLITE.
Vie et époque, — Tandis que l'école
d'Élée déduisait de l'unité de l'être l'impossibilité absolue de
la multiplicité et du devenir, il se formait, à l'autre extrémité du monde grec, en Asie Mineure, une philosophie que сe même principe conduisait à une doctrine
exactement opposée, consistant à
concevoir L’Être un comme étant toujours en mouvement, comme
se modifiant et se particularisant sans relâche. L'auteur de ce système est Héraclite.
Ignorance des
hommes. — De même que
la doctrine des Eléates, celle d'Héraclite s'est développée en opposition directe
avec l'opinion commune. Ce philosophe, de quelque côté qu'il se tourne, ne
rencontre nulle part la connaissance vraie. Le commun des hommes, dit-il, n'a aucune
intelligence de l'éternelle vérité, quelque évidente qu'elle puisse être ; ce
que les hommes voient tous les jours leur demeure étranger, ils ignorent où les
conduit le chemin même qu'ils suivent, ils oublient ce qu'ils ont fait pendant
la veille, comme s'ils l'avaient fait pendant le sommeil ; l'ordre
du monde, malgré toute sa splendeur, n'existe pas pour eux. La vérité leur
paraît incroyable, ils sont sourds à sa voix quand elle frappe leurs oreilles :
L’âne préfère le
son à l'or, et le chien aboie à tous ceux qu'il ne connaît pas. Également
incapables d'entendre et de parler, ce qu'ils pourraient faire de mieux, ce
serait de cacher leur ignorance. Dans leur inintelligence, ils s'attachent au
bavardage des poètes et aux opinions de la foule sans réfléchir que le nombre
des hommes de bien est très-restreint, que la plupart des hommes vivent comme
le bétail, que les meilleurs seulement d'entre les mortels préfèrent à tout la
gloire impérissable, et qu'un seul homme vertueux vaut plus que des milliers
d'hommes pervers.
Ceux qui ont
acquis un renom de haute sagesse ne sont guère mieux traités par Héraclite. Il
leur accorde un vaste savoir plutôt que la vraie science. II porte les
jugements les plus sévères sur Hésiode et Archiloque, sur Pythagore, Xénophane
et Hécatée, mais surtout sur Homère ; il ne témoigne d'estime qu'à ceux qu'on a
appelés les Sept Sages. Quelle que puisse être d'ailleurs la différence qui sépare
sa doctrine de celle des Eléates, elle n'est pas, comme on le voit, plus
voisine de l'opinion commune.
Écoulement de
TOUTES choses.
— Selon Héraclite,
le vice essentiel de l'opinion commune est d'attribuer aux choses une
persistance qui leur est étrangère. À dire le vrai, rien dans le
monde n'est fixe ou stable, mais tout se meut sans cesse, comme un fleuve où
des vagues nouvelles poussent toujours les anciennes devant elles. Or, par
celle image, il n'a pas voulu
indiquer simplement que tous les êtres individuels sont périssables, mais que
toute espèce de persistance dans les choses est une pure illusion. C'est en effet
ce que tous les témoins, à partir
de Platon et Aristote, et Héraclite lui-même, ont déclaré de la façon la plus
précise.
Nulle chose ne demeure ce qu'elle est,
tout se convertit en son contraire, tout devient tout, tout est tout. Le jour est tantôt plus court, tantôt plus long, de
même la nuit; la chaleur et l'humidité se remplacent mutuellement, le soleil
est tantôt plus rapproché, tantôt plus éloigné. Ce qui est visible devient
invisible, ce qui est invisible devient visible ; l'un succède
à l'autre, l'un périt par l'autre; le grand se nourrit du petit, le petit du
grand. A l'homme aussi la nature
enlève certaines parties, et en même temps elle lui en donne d'autres ; elle le
rend ainsi tantôt plus grand, tantôt plus petit ; et l'un ne va pas sans
l'autre. Le jour et la nuit sont une seule et même chose ; en d’autres termes,
c'est un même être qui est tantôt clair, tantôt sombre. Il n'y a aucune
différence entre ce qui est salutaire et ce qui est nuisible entre le haut et
le bas, le commencement et la fin, le mortel et l'immortel. La maladie et la
santé, la faim et le rassasiement, le travail et le repos sont identiques ; la
divinité est à la fois jour et nuit, été et hiver, guerre et paix, abondance et
disette ; tout est un, tout devient tout. Ce qui vit meurt, ce qui est mort
devient vivant ; ce qui est jeune devient vieux, ce qui est vieux devient jeune
; ce qui veille s'endort, et ce qui dort se réveille ; le courant de la
génération et de la mort ne s'arrête jamais, l'argile dont les choses sont
faites revêt toujours de nouvelles formes.
C'est sur ce mouvement
continuel que reposent la vie et le sentiment de la vie, c'est lui seul qui
constitue l'existence des choses. Aucune chose n'est ceci ou cela : elle le
devient uniquement, dans le mouvement de la vie de la nature. Les choses ne sont
rien de persistant, d'achevé une fois pour toutes : elles sont continuellement
créées à nouveau par les forces agissantes dans l'écoulement des phénomènes,
elles ne sont que les points où se croisent les courants opposés de la vie de
la nature. C'est pourquoi Héraclite
compare le monde à une mixture qui a besoin d'être remuée constamment pour ne
pas se dissocier, et la force organisatrice du monde à un enfant qui en jouant
va de côté et d'autre avec les jetons.
Ainsi, tandis
que Parménide nie le devenir pour maintenir le concept de l'être dans toute sa
pureté, Héraclite, au contraire, nie l'être pour conserver dans toute son
intégrité la loi du devenir. Tandis que le premier regarde l'idée du changement
et du mouvement comme une illusion des sens, le second déclare telle l'idée de
l'être persistant. Tandis que l'un trouve absurde l'opinion commune, parce
qu'elle admet la naissance et la mort, l'autre aboutit à la même conclusion en
partant de l'idée contraire.
LE FEU
PRIMORDIAL.
— Le principe
métaphysique de l'écoulement de toutes choses se transforme immédiatement pour
notre philosophe en une théorie physique. Ce qui vit et se meut dans la nature,
c'est, selon lui, le feu ; si tout se meut et se modifie continuellement, il
s'ensuit que tout est du feu ; et l'on doit admettre que, chez Héraclite, cette
proposition ne découle pas du principe métaphysique, par une réflexion
consciente, mais que chez lui l'imagination revêt tout d'abord d'un symbole
physique cette loi du changement qu'il a observée partout : par là même sa
propre conscience ne sait pas encore distinguer entre l'idée générale et la
forme sensible sous laquelle cette idée est exprimée.
C'est en ce sens
que nous devons entendre les passages où il est dit qu'Héraclite a
regardé le feu comme l'être primordial, comme le principe ou la substance
première des choses.
« Ce monde,
dit-il lui-même, n'a été créé par aucun des dieux ni par aucun des hommes, mais
il a toujours été, il est, et il sera un feu éternellement vivant, s'allumant
et s'éteignant selon la loi. »
Le feu, qui ne
se repose jamais, règne partout. Héraclite indique déjà par là pourquoi il dit
que le monde est un feu : il veut exprimer ainsi, selon la remarque de Simplicius
et d'Aristote, la
vitalité intime de la nature, et faire comprendre le changement incessant des
phénomènes. Le feu n'est pas, à ses yeux, une substance immuable qui aurait
servi à former les autres choses, mais qui, au point de vue qualitatif, ne
subirait aucun changement dans ces combinaisons, comme sont les Eléments d'Empedocle ou les principes d'Anaxagore. IL constitue l'essence
de tous les éléments, il est le principe nutritif qui circule éternellement
dans toutes les parties de l'univers, prend en chacune d'elles une autre forme,
engendre et absorbe les objets individuels, et, par sa mobilité absolue,
produit le pouls incessant de la nature. Par le feu, le rayon de feu ou
l'éclair, Héraclite entendait, non-seulement le feu visible, mais d'une manière
générale l'élément chaud, le principe de la chaleur, ou encore les vapeurs sèches, selon l'expression des auteurs
postérieurs. C'est pourquoi, au lieu du feu, il disait encore tout simplement
le souffle, « psuchè », peut-être aussi l’éther.
Énésidème a donc certainement méconnu la conception propre à notre philosophe,
quand il a prétendu que, selon lui, tout procède de l'air (chaud). C'est en prenant le mot dans son sens le plus général qu'Héraclite a pu
dire de son feu : il ne périt jamais. L'existence de ce feu, en effet, n'est pas liée,
comme celle de la lumière solaire, à un phénomène particulier, et par
conséquent variable : le feu est l'essence universelle formant la
substance de toutes choses.
D'autre part, on
ne peut, avec Lassalle, le réduire à une
abstraction métaphysique Quand Héraclite parle du feu, il ne pense pas
simplement à «l'idée du devenir comme telle», à « l'unité du processus de
l'être et du non-être », etc. : il n'indique nulle part qu'il ait
voulu désigner par celte expression « l'essence rationnelle et logique du feu
», non la substance déterminée qui est perçue dans la sensation de chaleur;
nulle part il n'indique qu'il ait vu, dans le feu dont il parle, un principe
absolument immatériel et différent de toute espèce de feu matériel. Ses propres
assertions et les témoignages des anciens nous permettent au contraire
d'affirmer que le feu dans lequel il a pensé trouver le fondement et l'essence de
toutes choses est précisément la substance déterminée qui porte ce nom.
Le feu et ses transformations.
— Ce feu
primordial prend les formes les plus diverses, et c'est dans cette
transformation que consiste la génération des substances dérivées. Tout se
convertit en feu, dit Héraclite, et le feu en tout, comme les marchandises
s'échangent contre l'or, et l'or contre les marchandises. Il fait entendre par
là que les substances secondaires dérivent de la substance primordiale, non-seulement
par voie de combinaison et de séparation, mais encore par transformation, par
changement qualitatif ; car, dans l'échange des marchandises contre l'or, ce
n'est pas la matière, mais la seule valeur, qui reste la même.
D'ailleurs toute
autre interprétation serait incompatible avec la doctrine fondamentale de
l'écoulement des choses. Si donc quelques-uns de nos témoins affirment que, selon
Héraclite, les choses se forment par la combinaison et la séparation des éléments,
on doit tenir ces expressions pour inexactes, du moins en tant qu'elles
auraient le même sens que chez Empédocle, Anaxagore el Démocrite.
On ne doit pas
non plus, avec quelques auteurs avancer que, selon Héraclite, les substances
secondaires procèdent du feu et se résolvent en feu par voie de condensation et
de dilatation. Sans doute, quand le feu se change en humidité et l'humidité en
terre, il y a condensation, de même que, dans le cas contraire, il y a
dilatation. Toutefois, dans la pensée d'Héraclite, cette condensation et celle
dilatation ne sont pas la cause, mais la conséquence du changement de
substance. En effet, selon lui, сe n'est pas le rapprochement
des particules du feu qui fait passer l'élément igné à l'état humide, et
l'élément humide à l'état solide ou terreux; mais, si un élément moins dense
devient un élément plus dense, c'est que le feu s'est transformé en humidité,
et l'humidité en terre. Par là même, pour que le feu renaisse des autres
substances, il ne suffit pas que les éléments primitifs de ces substances
s'écartent les uns des autres : il faut une nouvelle transformation, un
changement qualitatif des parties aussi bien que du tout. C'est ce qu'indiquent
clairement les expressions par lesquelles Héraclite désigne le passage d'un
élément à un autre. Il ne parle pas de dilatation, de condensation, de
combinaison ou de séparation des substances, mais de la transformation, de
l'extinction et de l'embrasement du feu, et encore de la vie et de la mort des
éléments. Ce sont là des désignations qui ne se retrouvent chez aucun autre
physicien. Mais la raison décisive, c'est que toute idée d'une substance
première qualitativement invariable est incompatible avec la pensée
fondamentale d'Héraclite. Le feu est donc pour lui autre chose que les éléments
des physiciens plus récents. Ces éléments sont ce qui persiste au milieu du
changement des choses individuelles : le feu d'Héraclite est ce qui produit сe changement par ses
transformations incessantes.
La discorde.
— L'écoulement
de toutes choses a cette conséquence, que tout réunit en soi des déterminations
opposées. Chaque changement est la transition d'un état à un état opposé ;
si tout change et n'existe que dans ce changement même. Tout est un milieu
entre deux termes opposés ; et quelque point que l'on considère dans le fleuve
du devenir, on est toujours en présence de la transition ou de la limite où se touchent
deux qualités et deux états contraires. Ainsi, de même que tout, selon
Héraclite, est sans cesse en train de changer, de même tout, à chaque instant,
renferme en soi son contraire. Chaque chose est et n'est pas, et l'on ne peut
rien affirmer d'une chose, que l'on ne puisse en même temps et également
énoncer l'affirmation contraire. Toute la vie de la nature est une alternance
continuelle d'états et de phénomènes opposés, et chaque objet individuel est,
ou plutôt devient ce qu'il est, uniquement par l'apparition incessante des
contraires entre lesquels il se trouve placé. En d'autres termes, pour parler
avec Héraclite, tout naît de la discorde; la guerre est la mère et la
souveraine de toutes choses, elle est le droit et l'ordre du monde ;
l'inégal s'assemble, le haut et le bas doivent se joindre, afin que l'harmonie,
faite de mâle et de femelle, se réalise, afin qu'une vie nouvelle se développe.
Ce qui se sépare, s'unit ; le système du monde repose sur des
tensions opposées, de même que celui de l'arc et de la lyre ; ce qui
est entier et ce qui est divisé, ce qui est uni et ce qui est désuni, ce qui
est d'accord et ce qui est en désaccord doivent se combiner, afin que le tout
sorte de l'un, comme l'un du tout. En un mot, le monde entier obéit à la loi
des contraires.
C'est à cause de
ces assertions qu'Aristote et ses commentateurs accusent Héraclite d'avoir nié
le principe de contradiction. En revanche, des
philosophes modernes le louent d'avoir été le premier à reconnaître l'unité des
contraires, l'identité de l'être et du non-être, et d'avoir fait de cette
doctrine le fondement de son système.
Mais ni l'une ni l'autre de ces deux
opinions (que l'on y voie un blâme ou un éloge) n'est entièrement exacte.
On ne pourrait considérer Héraclite comme
niant le principe de contradiction, que s'il affirmait que des déterminations
opposées peuvent appartenir au même sujet, non-seulement dans le même temps,
mais encore sous le même rapport. Or il n'affirme rien de pareil. Il dit bien
que le même être admet les formes les plus diverses, et que dans chaque chose
sont unis les états et les qualités les plus opposés, entre lesquels la chose
se meut et devient ; mais il ne dit pas que ces qualités lui appartiennent sous le même rapport ; et, s'il ne
le dit pas, c'est sans doute qu'il ne songe pas encore à une question, que
Platon et Aristote ont été, selon ce que nous savons, les premiers à envisager
expressément.
De même, il n'a pas parlé avec une telle
généralité de l'unité des contraires, de l'unité de l'être et du non-être, et
cette unité d'ailleurs ne saurait se déduire de ses assertions. Autre chose est
de dire : le même être est clair et obscur, jour et nuit, le même phénomène est
naissance et mort, etc. ; autre chose de dire : il n'existe aucune différence
entre, le jour et la nuit, entre l'être et le non-être considérés en eux-mêmes.
En d'autres termes, autre chose est soutenir l'unité des contraires au point de
vue concret, ou, au point de vue abstrait, affirmer leur coexistence dans le
même sujet, ou leur identité. La première affirmation seule peut être déduite
des exemples cités par Héraclite, et il n'avait nulle raison pour aller plus
loin; il n'était pas placé sur le terrain de la logique spéculative, mais sur
celui de la physique.
D'un autre côté on n'a pas le droit
d'atténuer sa proposition au point de la réduire à cette idée : « que le même
objet montre des qualités très-diverses, soit simultanément, quand on le met en
relation avec plusieurs autres objets à la fois, soit successivement, quand on
le met en face d'un objet unique, mais variable », et que la coexistence des
contraires n'est, pour parler avec Herbart, que le résultat auquel donne lieu
un point de vue accidentel. On ne voit nulle trace de cette thèse ni dans les
assertions d'Héraclite lui-même ni dans les témoignages postérieurs qui le
concernent. Au contraire, Héraclite, parlant, d'une façon générale et sans
restriction aucune, des choses en apparence contraires, telles que le jour et
la nuit, la guerre et la paix, le haut et le bas, dit qu'elles sont une seule et
même chose; et le caractère relativement primitif de sa philosophie apparaît
précisément dans ce fait, qu'il n'a pas encore soulevé la question de savoir
dans quelles conditions et en quel sens cette coexistence des contraires est
possible.
L'harmonie.
— Mais s'il est nécessaire que tout se
dissolve en contraires, il l'est également que les contraires se réunissent
dans l'unité : car ils dérivent d'un seul et même être, lequel, dans le cours
de ses changements, produit et détruit tour à tour les contraires ; lequel, en
toutes choses, s'engendre lui-même et maintient l'unité du tout à travers le conflit des tendances opposées.
En se séparant de lui-même, il s'unit
avec lui-même ; de la lutte procède l'existence, de l'opposition l'union, de
l'inégalité l'harmonie. Tout devient un, tout se soumet à la divinité pour l'harmonie
du tout, l'inégal lui aussi s'unit à elle pour produire l'égalité ; cela même
que les hommes considèrent comme un mal est pour eux un bien ; et du tout
résulte cette harmonie secrète du monde, à laquelle la beauté des choses
visibles ne peut être comparée. Ce principe est la loi divine, à
laquelle tout obéit, la Diké, dont rien au monde ne peut enfreindre les arrêts,
la destinée ou la nécessité, qui domine tout. Le même ordre universel, conçu comme force agissante,
s'appelle la sagesse qui régit l'univers, le Logos, Zeus ou la divinité ; et,
en tant que cette sagesse produit la série infinie des périodes du monde et des
états qui s'y succèdent, elle s'appelle l’ÆON; tous ces concepts ont, dans Héraclite, une seule et même
signification ; et la force organisatrice du monde, en tant que sujet actif,
n'est pas distinguée du monde lui-même et de l'ordre du monde. Cette force est identique
avec la substance primordiale du monde ; la divinité ou la loi du monde n'est
pas différente du feu primitif ; l’être primordial tire tout de
lui-même par sa propre force, d’après la loi qui lui est immanente.
Le système d'Héraclite est donc le panthéisme le plus nettement caractérisé
: selon ce système l'être divin, en vertu de la nécessité même de sa nature,
traverse sans relâche les formes changeantes du fini, et le fini n'existe que
par le divin, lequel est, dans une unité indivisible, la matière, la cause et
la loi du monde.
2. LA COSMOLOGIE.
Formation du
monde.
— En ce qui concerne la manière dont s'est opérée, à
l'origine de notre monde, la transformation de l'être primitif en êtres
dérivés, Héraclite enseignait, nous dit-on, que la raison divine, créatrice du
monde, a converti le feu, d'abord en air, puis en humidité ; celle-ci a été, en
quelque sorte, la semence du monde, et elle a formé la terre et le ciel avec
tout ce qu'ils renferment.