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(mise à jour : le 24/01/2021)



Héraclite d’Ephèse




Fragment 1.


Ce verbe, qui est vrai, est toujours incompris des hommes, soit avant qu’ils ne l’entendent, soit alors qu’ils l’entendent pour la première fois. Quoique toutes choses se fassent suivant ce verbe, ils ne semblent avoir aucune expérience de paroles et de faits tels que je les expose, distinguant leur nature et disant comme ils sont. Mais les autres hommes ne s’aperçoivent pas plus de ce qu’ils font étant éveillés, qu’ils ne se souviennent de ce qu’ils ont fait en dormant.


Fragment 2.


Aussi faut-il suivre le (logos) commun ; mais quoiqu’il soit commun à tous, la plupart vivent comme s’ils avaient une intelligence à eux


Fragment 3.


(le soleil) sa largeur est d’un pied.


(Tannery)



Fragment 5.


Célébrer des sacrifices sanglants ne sert pas plus à nous purifier que la boue ne laverait la tâche qu’elle a faite.


(Léon Robin)

Ils prient de telles images ; c’est comme si quelqu’un parlait avec les maisons, ne sachant pas ce que sont les dieux ni les héros.





Fragment 6.


(le soleil) chaque jour nouveau.


(Léon Robin)

Le Soleil est nouveau chaque jour.





Fragment 7.


Si toutes choses devenaient fumée, on connaîtrait par les narines.





Fragment 8.


Ce qui est taillé en sens contraire s’assemble ; de ce qui diffère naît la plus belle harmonie, et c’est la discorde qui produit toutes les choses.


(Léon Robin)

Ce qui est contraire est utile ; ce qui lutte forme la plus belle harmonie ; tout se fait par discorde.





Fragment 9.


Ils aiment mieux la paille que l’or.


(Léon Robin)

L’âne choisirait la paille plutôt que l’or.





Fragment 10.


Unions : des entiers et des non-entiers, convergence, divergence, concert ou désaccord des voix ; enfin, de toute chose une seule, et d’une seule, toutes.


(Léon Robin)

Joignez ce qui est complet et ce qui ne l’est pas, ce qui concorde et ce qui discorde, ce qui est en harmonie et en désaccord ; de toutes choses une et d’une, toutes choses.





Fragment 11.


Tout reptile se nourrit de terre.





Fragment 12.


A ceux qui descendent dans les mêmes fleuves surviennent toujours d’autres et d’autres eaux.


(Tannery)

Tu ne peux pas descendre deux fois dans les mêmes fleuves, car de nouvelles eaux coulent toujours sur toi.


(Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 13.


Les porcs sont plus contents dans la boue que dans l’eau pure.


(Burnet, traduit par Samuel Béreau)



Fragment 14.


Rhôdeurs dans la nuit : les mages, les bacchants, les lènes, les mystes.


(Burnet, traduit par Samuel Béreau)

Noctambules, mages, prêtres de Bakchos et prêtresses des pressoirs ; traficants de mystères pratiqués parmi les hommes.


(Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 15.


Car, si ce n’était pas de Dionysos qu’on mène la pompe, en chantant le cantique aux parties honteuses, ce serait l’acte le plus éhonté, dit Héraclite ; mais c’est le même, Hadès ou Dionysos, pour qui l’on est en folie ou en délire.


(Tannery)

Car, si ce n’était pas en l’honneur de Dionysos qu’ils faisaient une procession et chantaient le honteux hymne phallique, ils s’agiraient de manière la plus éhontée.


Mais Hadès est le même que Dionysos, en l’honneur de qui ils tombent en démence et célèbrent la fête des pressoirs.


(Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 16.


Qui se cachera du feu qui ne se couche pas ? (Tannery)

Comment pourrait-on se cacher de ce qui ne se couche jamais ? (Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 17.


Ce n’est pas ce que pensent la plupart de ceux que l’on rencontre; ils apprennent, mais ne savent pas, quoiqu’ils se le figurent à part eux.


(Tannery)

La foule ne prend pas garde aux choses qu’elle rencontre, et elle ne les remarque pas quand on attire son attention sur elles, bien qu’elle s’imagine le faire.


(Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 18.


Sans l’espérance, vous ne trouverez pas l’inespéré qui est introuvable et inaccessible.


(Tannery)

Si tu n’attends pas l’inattendu, tu ne le trouveras pas, car il est pénible et difficile à trouver.


(Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 19.


Ils ne savent ni écouter ni parler.


(Tannery)
Ne sachant ni écouter ni parler.


(Burnet, traduit par Reymond)



Fragment 20.


Quand ils sont nés, ils veulent vivre et subir la mort et laisser des enfants pour la mort.


(Tannery)

Quand ils naissent, ils désirent vivre et subir leur destinée -ou plutôt jouir du repos- et ils laissent après eux des enfants pour qu’ils subissent à leur tour leur destinée.


(Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 21.


Toutes les choses que nous voyons étant éveillés sont mort, de même que toutes celles que nous voyons étant assoupis sont sommeil.





Fragment 22.


Ceux qui cherchent l’or fouillent beaucoup de terre pour trouver de petites parcelles.


(Tannery)

Ceux qui cherchent de l’or remuent beaucoup de terre et n’en trouve que peu.


(Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 23.


On ne connaîtrait pas le mot de justice, s’il n’y avait pas de perversité.


(Tannery)

Les hommes n’auraient pas connu le nom de justice, si ces choses n’étaient pas.


(Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 24.


Les dieux et les hommes honorent ceux qui succombent à la guerre.


(Tannery)

Les dieux et les hommes honorent ceux qui tombent dans la bataille.


(Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 25.


Les plus grands morts obtiennent les plus grands sorts.


(Tannery)

De plus grands morts gagnent de plus grandes portions.


(Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 26.


L’homme dans la nuit, allume une lumière pour lui-même ; mort, il est éteint.


Mais vivant, dans son sommeil et les yeux éteints, il brûle plus que le mort ; éveillé, plus que s’il dort.


(Tannery)

L’homme est allumé et éteint comme une lumière pendant la nuit.


(Burnet, traduit par Reymond)


Fragment 27.


Les hommes n’espèrent ni ne croient ce qui les attend après la mort.





Fragment 28.


L’homme éprouvé sait conserver ses opinions ; le châtiment atteindra les artisans de mensonge et les faux témoins.





Fragment 30.


Ce monde-ci, le même pour tous les êtres, aucun des dieux ni des hommes ne l’a fait ; mais il a toujours été, et il est, et il sera un feu toujours vivant, s’allumant avec mesure et s’éteignant avec mesure.


(Léon Robin)

Ce monde été fait, par aucun des dieux ni par aucun des hommes ; il a toujours été et sera toujours feu éternellement vivant, s’allumant par mesure et s’éteignant par mesure.





Fragment 31.


Les changements du feu sont d’abord la mer, et, de la mer, pour moitié terre, moitié prestère.


La mer se répand et se mesure au même compte qu’avant que la terre ne fût.





Fragment 32.


Une sagesse unique veut être appelée du nom de Zeus, qui ne le veut pas.


(Léon Robin)

L’un, qui seul est sage, veut et ne veut pas être appelé du nom de Zeus.





Fragment 33.


La loi et la sentence est d’obéir à l’un.





Fragment 34.


Les inintelligents qui écoutent ressemblent à des sourds ; le proverbe témoigne que, tout présents qu’ils soient, ils sont absents.





Fragment 36.


Pour les âmes, la mort est de devenir eau ; pour l’eau, la mort est de devenir terre ; mais de la terre vient l’eau, de l’eau vient l’âme.





Fragment 39.


Dans Priène, vivait Bias, fils de Teutame, dont on parle plus que des autres.





Fragment 40.


La polymathie n’enseigne pas l’intelligence ; elle eût enseigné Pythagore, Xénophane et Hécatée.



(La sagesse est de) savoir le dessein dans lequel tout est régi dans sa totalité.


(Léon Robin)



Fragment 41.


II n’y a qu’une chose sage, c’est de connaître la pensée qui peut tout gouverner partout.





Fragment 43.


Mieux vaut étouffer la démesure qu’un incendie.





Fragment 44.


Le peuple doit combattre pour la loi comme pour ses murailles.





Fragment 46.


La présomption est une maladie sacrée.





Fragment 50.


Ce n’est pas à moi qu’il est sage de prêter l’oreille, mais à la Pensée, en reconnaissant que tout est un.


(Léon Robin)

Ce n’est pas à moi, mais au logos qu’il est sage d’accorder que l’un devient toutes choses.





Fragment 51.


Le discordant, s’accorde avec soi-même ; accord de tensions inverses, comme dans l’arc ou la lyre.


(Léon Robin)

Ils ne comprennent pas comment ce qui lutte avec soi-même peut s’accorder.


L’harmonie du monde est par tensions opposées, comme pour la lyre et pour l’arc.





Fragment 52.


C’est un enfant qui s’amuse à jouer aux dames : souveraineté d’un enfant.


(Léon Robin)

L’Éternel est un enfant qui joue à la pettie ; la royauté est à un enfant.





Fragment 53.


Le conflit est le père de toute chose, roi de toute chose.


(Léon Robin)

La guerre est père de tout, roi de tout, a désigné ceux-ci comme dieux, ceux-là comme hommes, ceux-ci comme esclaves, ceux-là comme libres.





Fragment 54.


L’Harmonie invisible supérieure à l’harmonie visible.


(Léon Robin)

Il y a une harmonie dérobée, meilleure que l’apparente et ou le dieu a mêlé et profondément caché les différences et les diversités.





Fragment 55.


Ce qu’on voit, ce qu’on entend, ce qu’on apprend, voilà ce que j’estime davantage.





Fragment 56.


Les hommes se trompent pour la connaissance des choses évidentes, comme Homère qui fut le plus sage des Grecs.


Des enfants, qui faisaient la chasse à leur vermine, l’ont trompé en disant : « Ce que nous voyons et prenons, nous le laissons ; ce que nous ne voyons ni prenons, nous l’emportons ».





Fragment 57.


La foule a pour maître Hésiode ; elle prend pour le plus grand savant celui qui ne sait pas ce qu’est le jour ou la nuit ; car c’est une même chose.





Fragment 58.


Les médecins taillent, brûlent, torturent de toute façon les malades et, leur faisant un bien qui est la même chose qu’une maladie, réclament une récompense qu’ils ne méritent guère.





Fragment 60.


Une route vers en haut et une vers en bas.


(Léon Robin)

Un même chemin en haut, en bas.





Fragment 61.


La mer est l’eau la plus pure et la plus souillée ; potable et salutaire aux poissons, elle est non potable et funeste pour les hommes.





Fragment 62.


Les immortels sont mortels et les mortels, immortels ; la vie des uns est la mort des autres, la mort des uns, la vie des autres.





Fragment 63.


De là ils s’élèvent et deviennent gardiens vigilants des vivants et des morts.





Fragment 64.


La foudre est au gouvernail de l’univers.





Fragment 65.


Le feu est indigence et satiété.


(Léon Robin)



Fragment 66.


En s’avançant le feu jugera et condamnera toutes choses.


(Léon Robin)

Le feu survenant jugera et dévorera toutes choses.





Fragment 67.


Il est en effet jour et nuit, hiver et été, guerre et paix, satiété et faim.


(Léon Robin)

Le dieu est jour-nuit, hiver-été, guerre-paix, satiété-faim.


Il se change comme quand on y mêle des parfums ; alors on le nomme suivant leur odeur.





Fragment 76.


Mort du feu, naissance pour l’air ; mort de l’air, naissance pour l’eau.





Fragment 78.


Le naturel humain n’a pas de raison, le divin en a.





Fragment 79.


Marmot ! l’homme s’entend appeler ainsi par les dieux, comme l’enfant par l’homme.


(Léon Robin)



Fragment 80.


Le conflit est communauté et la discorde est règlement.


(Léon Robin)

Il faut savoir que la guerre est commune, la justice discorde, que tout se fait et se détruit par discorde.





Fragment 82.


Le plus beau singe est laid en regard du genre humain.





Fragment 83.


L’homme le plus sage parait un singe devant Dieu.





Fragment 85.


Il est difficile de résister à la colère ; elle fait bon marché de l’âme.





Fragment 86.


Cacher les profondeurs de la science est une bonne défiance ; elle ne se laisse pas méconnaître.





Fragment 87.


L’homme niais est mis hors de lui par tout discours.





Fragment 88.


C’est le même en nous, d’être ce qui est vivant et d’être ce qui est mort, éveillé ou endormi, jeune ou vieux ; car, par le changement, ceci est cela, et par le changement, cela est à son tour ceci.


(Léon Robin)

Même chose ce qui vit et ce qui est mort, ce qui est éveillé et ce qui dort, ce qui est jeune et ce qui est vieux ; car le changement de l’un donne l’autre, et réciproquement.





Fragment 89.


…unité de la communauté du cosmos.


(Léon Robin)



Fragment 90.


De toutes choses il y a échange contre le feu, et du feu contre toutes choses, comme des marchandises contre de l’or, et de l’or contre des marchandises.


(Léon Robin)

Contre le feu se changent toutes choses et contre toutes choses le feu, comme les biens contre l’or et l’or contre les biens.





Fragment 91.


On ne peut pas descendre deux fois dans le même fleuve.





Fragment 92.


La sibylle, de sa bouche en fureur, jette des paroles qui ne font pas rire, qui ne sont pas ornées et fardées, mais le dieu prolonge sa voix pendant mille ans.





Fragment 93.


Le dieu dont l’oracle est à Delphes ne révèle pas, ne cache pas, mais il indique.





Fragment 94.


Le Soleil ne dépassera pas les mesures ; sinon, les Erynnies, suivantes de Zeus, sauront bien le trouver.





Fragment 95.


II vaut mieux cacher son ignorance ; mais cela est difficile quand on se laisse aller à l’inattention ou à l’ivresse.





Fragment 96.


Les morts sont à rejeter encore plus que le fumier.





Fragment 97.


Les chiens aboient après ceux qu’ils ne connaissent pas.





Fragment 98.


Les âmes flairent dans l’Hadès.





Fragment 99.


Sans le Soleil, on aurait la nuit.





Fragment 101.



Je me suis cherché moi-même.





Fragment 104.


Quel est leur esprit ou leur intelligence?


Fragment 107.


Ce sont de mauvais témoins pour les hommes que les yeux et les oreilles quand les âmes sont barbares.





Fragment 108.


De tous ceux dont j’ai entendu les discours, aucun n’est arrivé à savoir que ce qui est sage est séparé de toutes choses.





Fragment 109.


Il n’en vaudrait pas mieux pour les hommes qu’il arrivât ce qu’ils souhaitaient.


(Léon Robin)



Fragment 110.


II n’est pas préférable pour les hommes de devenir ce qu’ils veulent.





Fragment 111.


C’est la maladie qui rend la santé douce et bonne ; c’est la faim qui fait de même désirer la satiété, et la fatigue, le repos.





Fragment 112.


La sagesse c’est dire des choses vraies, et agir selon la nature en écoutant sa voix.


(Léon Robin)



Fragment 114.


L’obscure n’exprime ni ne cache la pensée, mais l’indique.


Prendre ses forces, comme la cité dans la loi ; c’est quelque chose de commun à tous, qui domine tout, autant qu’il lui plaît, suffit en tout et surpasse tout.


(Léon Robin)

Ceux qui parlent avec intelligence doivent s’appuyer sur l’intelligence commune à tous, comme une cité sur la loi, et même beaucoup plus fort.


Car toutes les lois humaines sont nourries par une seule divine, qui domine autant qu’elle le veut, qui suffit à tout et vient à bout de tout.





Fragment 115.


(La pensée) se donne à elle-même son propre accroissement.


(Léon Robin)



Fragment 117.


L’homme ivre est guidé par un jeune enfant ; il chancelle, ne sait où il va ; c’est que son âme est humide.





Fragment 118.


Où la terre est sèche, est l’âme la plus sage et la meilleure.



L’âme sèche est la plus sage et la meilleure.



L’âme la plus sage est une lueur sèche.



C’est l’âme sèche, la meilleure, celle qui traverse le corps comme un éclair la nuée.





Fragment 119.


Le caractère pour l’homme est le daimone.





Fragment 120.


De l’aurore et du soir les limites sont l’Ourse, et, en face de l’Ourse, le Gardien de Zeus sublime (l’Arcture).





Fragment 121.


Les Ephésiens méritent que tous ceux qui ont âge d’homme meurent, que les enfants perdent leur patrie, eux qui ont chassé Hermodore, le meilleur d’entre eux, en disant: « Que parmi nous il n’y en ait pas de meilleur; s’il y en a un, qu’il aille vivre ailleurs ».





Fragment 123.


La nature aime à se cacher.





Fragment 129.


Pythagore, fils de Mnésarque, plus que tout homme s’est appliqué a l’étude, et recueillant ces écrits il s’est fait sa sagesse, polymathie, méchant art.